Stupeur et tremblements
Par Christian Chenu
J’ai toujours été fasciné par les volcans et les manifestations sismiques, et j’ai beaucoup voyagé afin d’approcher de près certains des plus incroyables phénomènes géologiques de notre planète. Aussi, lorsqu’Arts et Vie, il y a quelques temps, m’a invité à accompagner un voyage en Islande, je fus absolument ravi. Situé entre les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine, ce pays connait une activité géologique intense, qui a, au fil des siècles, composé de sublimes paysages. De multiples phénomènes y sont observables : geysers, solfatares, sources d’eau chaudes, failles profondes, champs de lave, orgues de basalte, larges cratères… Les séismes y étant également très fréquents, j’espérais secrètement éprouver quelques secousses, sentir la terre trembler gentiment sous mes pas, ce que je n’avais encore jamais expérimenté. Ce voyage me réservait bien des surprises !
Voyages au centre de la terre
La beauté et l’étrangeté des phénomènes volcaniques sont pour moi une source inépuisable d’émerveillement. L’expérience la plus incroyable que j’ai vécue fut sans doute l’ascension du Stromboli – quand c’était encore possible – où j’ai eu la chance d’admirer en pleine nuit, au-dessus du cratère principal, le spectacle impressionnant des jets de lave en fusion crachés par le volcan à intervalles réguliers.
L’Italie a largement contribué à mes découvertes volcaniques : je me suis pris d’admiration pour le Vésuve, l’Etna, les îles éoliennes, sans oublier la Solfatare, près de Naples. Les anciens grecs avaient nommé ce lieu les champs Phlégréens (“champs ardents”) et les Romains le considéraient comme le domicile du dieu Vulcain et l’entrée des Enfers.
Mes voyages plus lointains m’ont également permis de découvrir le parc géologique de Waiotapu en Nouvelle Zélande, le volcan Bromo à Java en Indonésie, le parc national de Yellowstone aux États-Unis… Chaque fois, la terre m’a fait sentir – et cela sent parfois très mauvais – sa puissance et ma vulnérabilité.
Tant que cela ne se manifeste que par des odeurs nauséabondes, des fumerolles qui piquent les yeux, des lacs de boues sulfureuses bouillonnantes ou même des grondements sourds, les hommes ne s’en préoccupent pas trop, et ont même tiré parti, depuis l’Antiquité, de ces ressources provenant du centre de la terre. La plupart du temps, nous nous accommodons en effet très bien de ces phénomènes géologiques et c’est seulement quand la terre se fâche vraiment que cela devient problématique.
Des secousses attendues
Je n’ai jamais vécu de tremblement de terre – et vous allez peut-être me prendre pour un fou – mais c’est une expérience que j’aimerais beaucoup vivre (sans que cela me mette en danger, bien sûr). J’ai voyagé dans de nombreuses zones à forte activité sismique, mais mis à part un petit séisme de faible amplitude en Iran – que je n’ai pas ressenti parce que je dormais –, rien !
Alors, lorsque j’ai appris que je devais accompagner un voyage en Islande avec Arts et Vie, je me suis dit que cette fois-ci, avec un peu de chance, j’y aurai droit. Les circonstances me semblaient favorables, d’autant plus que deux semaines avant le départ, un volcan souterrain commença à se manifester. Rien à voir avec l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en 2010 qui avait fichu la pagaille dans les lignes aériennes de tout l’hémisphère Nord, mais on pouvait tout de même “espérer” quelques séismes de forte amplitude (en dessous de 4 de magnitude, les Islandais n’y font même plus attention).
Nous étions en train de dîner à l’hôtel le deuxième soir de notre voyage, en compagnie du guide, quand soudain les murs du restaurant se sont mis à trembler, en même temps que résonnait un grondement sourd assez éloigné, comme dans les films catastrophes. Cela a duré une quinzaine de secondes. J’étais un peu inquiet, mais en même temps, ravi : nous n’étions que le deuxième jour du voyage et j’avais déjà eu mon séisme. Le guide consulta son smartphone et fut surpris de n’avoir aucune alerte des services de surveillance sismique. Il n’y eut pas de réplique et la nuit fut calme.
Un film catastrophe
Le lendemain matin au petit déjeuner, le guide m’expliqua pourquoi il n’y avait pas eu d’alerte… Le restaurant de l’hôtel avait un mur mitoyen avec une salle de cinéma où passait justement un film catastrophe au moment où nous dinions. Ce que nous avions entendu et ressenti étaient tout simplement les vibrations de la sono du cinéma ! J’étais, je l’avoue, un peu déçu, mais nous avons tous bien ri de cette méprise !
J’en ai profité pour citer le “grand philosophe” Jean-Claude Van Damme : “Si tu travailles avec un marteau-piqueur pendant un tremblement de terre, désynchronise-toi, sinon tu travailles pour rien.”
Deux jours plus tard le guide nous a tirés du lit pour nous faire admirer un autre spectacle magnifique qui me fit oublier toute ma frustration : une aurore boréale.
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