Par Marie Lagrave
Publié originellement dans le Plus #164 (Automne 2021)
Suite à l’invention, en 1872, du premier parc national au monde – Yellowstone –, de nombreux pays vont emboîter le pas aux États-Unis et fonder leurs propres parcs nationaux. En France, s’il faut attendre 1963 pour que soit institué le premier – celui de la Vanoise –, c’est l’aboutissement d’une longue série de réflexions et de projets, dont certains ébauchés avant même la création de Yellowstone. S’écartant du modèle américain, 11 parcs nationaux “à la française” verront le jour, non sans mal. Souhaités par une certaine élite, ils auront beaucoup de difficultés à se faire accepter de la population locale, malgré un objectif de valorisation du territoire et de développement durable.
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Les peintres de Barbizon et la forêt de Fontainebleau
En France, pendant longtemps, la nature sauvage ne sera pas du tout valorisée, au contraire : il faut la domestiquer, la contrôler, la rendre utile et agréable. Mais ce regard commence quelque peu à peu à changer quand, à partir des années 1820, plusieurs peintres s’installent dans le village de Barbizon, à la lisière de la forêt de Fontainebleau. La peinture en extérieur commence tout juste à se développer, et les paysages naturels deviennent un sujet en vogue. Fontainebleau, de par sa proximité avec Paris, est le terrain de jeu parfait pour ces jeunes avant-gardistes.
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Théodore Rousseau – chef de file du mouvement – et ses compagnons se battent alors contre les coupes rases afin de pouvoir continuer à peindre les arbres qu’ils affectionnent. Ils obtiennent en 1853 que 624 ha soient préservés de l’exploitation en tant que “série artistique” : c’est le premier « site naturel protégé » de France. Et si l’appellation a depuis disparu (ainsi que la protection qu’elle offrait), elle a sans doute influencé la conception du parc national de Yellowstone – elle aussi initiée par des peintres –, puis l’institution d’autres espaces protégés en France.
Les associations touristiques et l’éphémère parc de la Bérarde
L’avènement du parc national de Yellowstone connaît rapidement un retentissement mondial. C’est un immense succès, qui fait de la nature un espace de loisirs et un patrimoine à préserver. Nombreux sont alors ceux qui souhaitent voir l’invention américaine dupliquée en France.
Deux associations seront particulièrement influentes : le Club Alpin Français (association de sports de montagne) et le Touring Club de France (association à but touristique, au départ à bicyclette, puis qui s’est élargie à d’autres activités). En 1913 est créé, à leur initiative, l’Association des parcs nationaux de France et des colonies. La même année est inauguré, dans les Alpes, le parc de la Bérarde, qui obtiendra officieusement le statut de parc national, avant de péricliter peu à peu faute de moyens (la Première Guerre mondiale éclate l’année suivante) et face à l’opposition de la population locale, qui refuse les contraintes liées au parc. Il renaîtra néanmoins bien plus tard – en 1973 – sous le nom de parc national des Écrins.
Les premiers parcs nationaux français… dans nos colonies
La première tentative de création d’un parc national sur le sol français s’étant soldé par un échec, c’est vers les colonies que se tournent les associations. Avec leur aide et le soutien de l’administration des Eaux et Forêts, 10 parcs nationaux seront créés en Algérie entre 1923 et 1930, afin de “protéger les beautés naturelles et les curiosités scientifiques de la colonie, et de favoriser le tourisme”. Ces terres sont donc soustraites à la chasse, aux pâturages, à l’exploitation forestière… et de nombreux aménagements touristiques y sont installés. Par la suite, plusieurs parcs et réserves seront créés sur un modèle similaire dans de nombreuses colonies françaises.
De multiples conflits autour des parcs nationaux
Ensuite, plusieurs visions des parcs nationaux cohabitent et s’affrontent. Pour certains, un parc doit permettre un équilibre entre la préservation de la nature et les activités rurales traditionnelles (agriculture, pâturages, chasse…). Pour d’autres, un parc national est avant tout une marque, un attrait touristique, qui va supporter le développement des communes alentour, dans un contexte marqué par la pauvreté et l’exode rural. D’autres, enfin, estiment qu’un parc doit être un refuge inaliénable pour la vie sauvage, où l’homme serait exclu.
Mais en France métropolitaine, les projets stagnent et les échecs se multiplient. La création de parcs nationaux se heurte à plusieurs difficultés. D’abord, toutes les terres sont habitées, cultivées, ou utilisées d’une manière ou d’une autre. Instaurer un parc dans un lieu revient donc à spolier les habitants de cet espace, en restreignant les activités qui peuvent s’y déployer. Ce qui soulève, localement, une vive opposition.
La loi de 1960 et les premiers parcs nationaux de France
Face à ces conflits, il faudra attendre 1960 pour qu’une véritable loi soit proposée afin d’initier la création de parcs nationaux. La solution qui va être proposée est d’aménager, à l’intérieur de chaque parc, des secteurs distincts avec des statuts différents. La zone principale, le cœur de parc, sera ouverte au public mais encadrée par des mesures strictes ; des réserves intégrales pourront y être instaurées, où la seule présence humaine autorisée sera celle des scientifiques et chercheurs ; puis, une zone périphérique permettra de développer un dynamisme touristique et de maintenir l’activité agricole.
L’objectif est de donner aux territoires classés parcs nationaux une forte visibilité au niveau national et international, d’y mener une politique de protection du patrimoine naturel et culturel afin de pouvoir le transmettre aux générations futures et d’y intégrer des programmes pédagogiques.
Sept parcs nationaux seront inaugurés sur ce modèle entre 1963 et 1989 : quatre en haute-montagne (la Vanoise, les Pyrénées, les Écrins et le Mercantour), un en moyenne-montagne (les Cévennes), un dans un archipel (Port-Cros, au large du Lavandou) et un en outre-mer (la Guadeloupe).
La réforme de 2006 et la seconde vague de création de parcs
En 2006, une loi va venir réformer les parcs nationaux, dans l’objectif d’ouvrir le dialogue avec les collectivités territoriales, souvent opposées aux projets de parcs dans leur proximité.
La principale nouveauté est l’introduction d’une charte, que les communes aux alentours pourront accepter ou non, afin de former une “aire d’adhésion” au parc national. Construite en concertation avec les différents acteurs du territoire, cette charte permet d’impliquer davantage les populations locales et de créer une continuité écologique.
Suite à cette réforme, quatre nouveaux parcs nationaux seront créés : en Guyane (2007), à La Réunion (2007), dans les calanques de Marseille (2012) et, récemment, dans les forêts de Champagne et Bourgogne (2019).
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Les parcs nationaux de France avec Arts & Vie
Le parc national des Écrins
Glaciers, lacs d’altitude et hauts sommets enneigés, torrents, vallées verdoyantes et pâturages fleuris : voici les promesses du parc national des Écrins. Entre Isère et Hautes-Alpes, sept vallées à l’identité marquée sont protégées par le parc, qui a notamment permis la réintroduction du bouquetin des Alpes.
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Le parc national des Calanques
Le fabuleux massif des Calanques, avec ses falaises abruptes et ses criques sublimes, est protégé par l’appellation parc national depuis 2012. Le parc, qui comprend les calanques, mais aussi les archipels du Frioul et de Riou, l’île Verte et le cap Canaille, ainsi qu’une aire maritime, permet de protéger cet écosystème particulièrement riche et fragile, notamment face à la pression urbaine liée à sa proximité avec Marseille.
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Le parc national de la Guadeloupe
Le parc national de la Guadeloupe s’étend sur la quasi-totalité de Basse-Terre ainsi que sur une belle partie de Grande-Terre. Il a vocation à protéger son massif montagneux et sa forêt tropicale qui abritent une biodiversité très riche, dont une faune et une flore endémiques. Les fonds marins font également l’objet d’une étroite surveillance afin de préserver l’écosystème fragile des récifs coralliens.
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Le parc national de La Réunion
Représentant presque la moitié de la superficie de l’île, le parc national de La Réunion est situé en son centre. C’est là que s’y concentrent ses richesses naturelles : les cirques de Mafate, de Salazie et de Cilaos ainsi que le Piton de la Fournaise. C’est également une réserve importante de la biodiversité : de par son caractère insulaire, La Réunion abrite de nombreuses espèces endémiques, végétales comme animales.
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Pour en savoir plus :
Une série de 4 épisodes sur l’histoire du parc de la Vanoise, sur France Culture