Un film, un pays – Nouvelle-Zélande

La Leçon de piano, une symphonie néo-zélandaise

Par Emmanuelle Bons

Il y a tout juste 30 ans, le prestigieux festival de Cannes récompensait la réalisatrice Jane Campion pour son troisième long métrage La Leçon de piano. En cette année 1993, le président du jury Louis Malle révolutionna l’institution en attribuant pour la première fois la palme d’or à une femme, et de surcroit néo-zélandaise. Une double nouveauté qui fit alors grand bruit. Si la féminisation du métier de réalisateur fut évidemment l’objet de tous les débats, la représentation de la Nouvelle-Zélande marqua néanmoins aussi un tournant important dans l’histoire de la reconnaissance de ce pays. Peu présent dans le paysage culturel européen, l’archipel du Pacifique Sud se trouva mis en pleine lumière dans une œuvre subtile qui place l’île au cœur de l’intrigue.

La Leçon de piano - nouvelle-Zélande Arts et Vie Voyages culturels

Rendez-vous en terre inconnue

Adapté du roman Histoire d’un fleuve en Nouvelle-Zélande de Jane Mander, La Leçon de piano met en scène la rencontre de deux univers. Ada MacGrath est une jeune veuve écossaise raffinée et délicate. Dans son monde, la nature est disciplinée et la musique de son piano omniprésente. Contrainte à un mariage arrangé par son père, la femme débarque en Nouvelle-Zélande où l’attend son fiancé, au cœur d’une nature palpitante, sauvage, indomptable.

Son instrument qui a traversé les océans, jugé superfétatoire par son nouvel époux, ne peut être emporté et reste seul sur la plage. C’est un voisin nommé Baines, illettré et rustre, très proche des Maoris et de leur culture, qui récupère alors le piano en échange de terres. Une relation intime se nouera ensuite progressivement entre ces deux personnages et entre ces deux univers, lorsque Baines proposera à la jeune femme de récupérer son piano touche par touche en échange de faveurs charnelles.

La Leçon de piano Nouvelle-Zélande

De l’Écosse à la Nouvelle-Zélande

Par la figure du piano abandonné sur une plage déserte, symbole du monde occidental qu’Ana a quitté, la réalisatrice souligne subtilement le contraste entre les deux sociétés qui se confrontèrent au XIXe siècle en Nouvelle-Zélande, lorsque les émigrés européens commencèrent à s’y installer. Les Britanniques en arrivant sur l’île ont emporté avec eux leur mode de vie et tenté de reconstituer une société en total décalage avec la culture locale. Il fut reproché à Jane Campion de donner une image trop colonialiste des Maoris alors que le propos de la réalisatrice était justement de mettre en lumière l’inadéquation de ces deux mondes.

La nature, première contrainte de la nouvelle vie quotidienne d’Ana, avec ses fougères arborescentes et les kauris, arbres préhistoriques endémiques de Nouvelle-Zélande, vont devenir au fil de l’histoire, le rideau occultant qui isolent les deux amants. Tourné dans l’Île du Nord, non loin d’Auckland, le film dévoile les paysages sublimes de l’archipel néo-zélandais dans toute leur force et leur singularité.

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